Catholiques Français (1) Enregistrer au format PDF

Dimanche 1er novembre 2020
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Que deviennent les catholiques français ?

La fin de l’année est encadrée par deux fêtes religieuses qui rassemblent encore beaucoup de pratiquants dans les églises : la Toussaint et Noël. Mais ils connaissent une sérieuse baisse depuis les années soixante. Voyons ce qu’il en est. La matière est abondante, aussi nous la traiterons sur nos deux numéros de novembre et décembre.

1re partie

Les catholiques en France : récession et divisions. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les catholiques pratiquants ont diminué de plus de 30% depuis les années 60. Aujourd’hui, ils plafonnent autour de 5%. De même, le nombre de prêtres français est passé de 25 203 en 1990 à 11 908 en 2015 (1), soit une diminution de de plus de 13 000 en 30 ans. Plus grave encore l’âge des pratiquants réguliers, aussi bien que celui de leurs pasteurs, ne cesse de s’élever (autour de 70 ans et plus.) Mais les chiffres ne montrent pas tout : le catholicisme est, selon l’expression de Danièle Hervieu-Léger, de plus en plus ex-culturé (2). C’est-à-dire qu’il imprime de moins en moins son empreinte sur les mentalités et les comportements. « Le catholicisme a-t-il fait son temps ? » s’interrogeait le prêtre de la Mission de France Jean-Marie Ploux il y a vingt ans (3). Et plus récemment, en 2018, Henri Tincq, ancien titulaire de la rubrique religieuse du journal Le Monde, témoignait de « La grande peur des catholiques de France. » (4) De son côté, la même année 2018, Guillaume Cuchet (de l’Université de Paris-Est Créteil) expliquait « comment notre monde a cessé d’être chrétien » (5).

Généralement, les groupes en danger resserrent leurs rangs, se regroupent, s’unissent. Au contraire, les catholiques de France s’émiettent en plusieurs fractions. Pour s’y repérer, à la lumière de nombreuses études récentes, je proposerai ici une typologie la plus simple possible, issue de ces fractures. Et ceci, en prenant comme point de départ, le Concile Vatican II (1962-1965) à partir duquel la crise actuelle, qui couvait depuis les 17- 18e siècles, s’est soudain accélérée et manifestée au grand jour.

Le point de départ, le concile Vatican II, ouvert à l’initiative et par le pape Jean XXIII. Son projet central était d’en finir avec l’anti-modernisme de l’Eglise catholique qui la menaçait d’isolement. Il s’agissait donc d’une remise à la page (on utilisait le mot aggiornamento), d’une approche plus positive du monde moderne. Un demi-siècle après cette tentative de « modernisation », on peut pointer les clivages catholiques suivants :

Les intégristes.

Une minorité catholique très déterminée s’oppose frontalement à ces réformes du Concile sous la houlette de l’évêque français Marcel Lefèvre. Selon le sociologue Emile Poulat, les intégristes se caractérisent par deux termes : » intégralisme » et « intransigeantisme ». Ils défendent en effet, l’idée que la religion catholique, seule, est détentrice de la Vérité. En conséquence, l’intégralité de la réalité sociale relève du contrôle religieux. Pour eux, il n’y a pas de domaine profane et autonome. Donc, contrairement au Concile qui entend se réconcilier avec le monde moderne, ils prétendent que c’est au monde moderne de se conformer à la vérité enseignée par l’Eglise. Alors, on ne transige pas avec le monde qui, selon eux, est en dérive. On ne dialogue pas, on enseigne pour convertir. Les intégristes sont en dissidence avec Rome et le Pape. Ils ne sont pas très nombreux et se répartissent en paroisses dites « prieurés. » Il en existe un près de chez nous, le « prieuré Sainte Anne » à Lanvallay.

Les Conciliaires.

On désigne ainsi les catholiques qui appliquent les réformes du Concile, mais à des degrés divers. Les conciliaires se répartissent ainsi : les plus nombreux (environ 30%) se reconnaissent catholiques, mais non pratiquants, ou du moins occasionnels (grandes fêtes, Noël, la Toussaint…) Mais ils gardent un lien au moins épisodique avec une paroisse. Certains sont non-pratiquants par négligence ou par indifférence. D’autres ont cessé de pratiquer parce qu’ils sont critiques sur les institutions religieuses qu’ils estiment dépassées. Ces catholiques progressistes considèrent que Vatican II n’est pas allé assez loin dans les réformes et qu’on s’est arrêté à la moitié du chemin.

Le groupe des pratiquants réguliers (moins de 5%) sont des conciliaires modérés. Ce sont eux qui font la vie paroissiale ordinaire. Mais c’est un public plutôt âgé : il suffit d’observer la sortie d’une messe dominicale pour s’en rendre compte. Autre caractéristique : ce groupe est plus féminin que masculin.

Dans l’édition de décembre, nous examinerons les cas de deux autres groupes : les charismatiques et les « observants. »

Elie Geffray
  • 1 – Jérôme Fourquet - L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée – Seuil.
  • 2- Danièle Hervieu-Léger – Vers un nouveau christianisme (Cerf)
  • 3 – Jean-Marie Ploux – Le Christianisme a-t-il fait son temps ? (Editions de l’Atelier)
  • 4 – Henri Tincq – La grande peur des catholiques de France –(Grasset)
  • 5 – Guillaume Cusset – Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Seuil
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